vendredi 8 juillet 2011

Le Voleur de bicyclette

Le Voleur de bicyclette (Ladri di biciclette) est un film italien de Vittorio De Sica sorti en 1948, après la Seconde Guerre mondiale, temps où le néo-réalisme fait la célébrité du cinéma italien.

En effet, les longues années du conflit n'ont guère été illustrées que par le silence ou par des films dédiés à de langoureuses histoires d'amour. Lorsque cessent les exigences de la période du conflit, le courant néo-réaliste italien se propose de regarder en face les problèmes d'une société déchirée par la guerre et ceux de l'homme qui, après tant de luttes et de souffrances, désire la paix et cherche à construire un monde meilleur.

Au lendemain de la guerre, les studios italiens se trouvant détruits, les réalisateurs décident de filmer des scènes dans leur décor naturel, dans les rues des grandes villes, dans les maisons. Ils s'aperçoivent très vite que les réalités de la vie quotidienne recèlent des thèmes de films vivants et variés. De sa pauvreté matérielle, le cinéma italien fait sa richesse artistique.

Parmi les innombrables auteurs de ce nouveau genre de films, deux noms ressortent particulièrement : Vittorio de Sica et Cesare Zavattini. L'un et l'autre ont donné un visage à la société et à l'homme de cette époque. Ils surent élever la chronique simple au niveau de la poésie et de l'art, en une série d'œuvres significatives : Miracle à Milan, Umberto D, le Toit, et surtout le Voleur de bicyclette. 


Un drame moderne



Le film intitulé "le Voleur de bicyclette" fut réalisé en 1948. L'Italie traversait alors les années difficiles et pénibles d'après guerre.

Certes, l'activité économique avait repris lentement, mais beaucoup luttaient, jour après jour, contre la faim, dans l'attente d'un travail. Parmi eux, des hommes honnêtes supportaient le poids du chômage et de la misère avec dignité et endurance, sans céder à la tentation du vol. C'est précisément à ces hommes et à leur drame quotidien que Cesare Zavattini et Vittorio de Sica dédièrent leur œuvre.



Analyse du film




Une scène du film
Nous sommes à Rome, en bordure d'un quartier pauvre ; une file de chômeurs attend devant un bureau de placement. Parmi eux se trouve un certain Antonio Ricci. Il a une femme et deux enfants.

Après de longs jours sans espoir, il reçoit enfin une bonne nouvelle : on lui propose un poste de colleur d'affiches. Mais il lui faut absolument une bicyclette, et il a engagé la sienne au Mont-de-Piété.

"Sans bicyclette, ce n'est pas possible", lui dit-on.

Ricci est découragé : cette bicyclette, c'est tout pour lui. Comment pourrait-il trouver l'argent nécessaire pour la dégager ?

Devant le désespoir de son mari, Maria, l'épouse fragile mais pleine de bon sens, décide de résoudre le problème en engageant les draps de la famille au Mont-de-Piété, "car ils ne sont pas vraiment indispensables pour dormir". Bientôt l'argent qu'elle en tire permet de racheter la bicyclette. Ricci est heureux : il a maintenant un travail assuré, une tenue dont il est fier, un espoir pour l'avenir. A l'aube, le lendemain matin, lorsqu'il prend le chemin de la ville, portant sur le cadre de la bicyclette son fils aîné Bruno, il est transformé, il se sent enfin "un homme".

Mais la joie, les projets sont de courte durée ; tandis que, de ses mains inexpertes, il décolle la première affiche, on lui vole sa bicyclette !... Il se lance à la poursuite du coupable, mais en vain. La bicyclette et le voleur ont disparu.

L'espérance née à l'aube s'est déjà envolée au coucher du soleil : sans bicyclette, pas de travail, pas d'argent, pas de repos. Triste retour à la maison ! Mais Ricci ne se résigne pas à cette perte ; déçu par la police qui ne peut rechercher une bicyclette dans toute une ville, déçu par ses compagnons qui l'abandonnent après l'avoir aidé un moment, il entreprend, avec son fils, de nouvelles poursuites. Tous deux scrutent les pauvres "marchés aux puces", passant en revue tous les stands, sans obtenir aucun indice.

Désespéré, Ricci s'adresse à un gardien de la paix, mais tout est inutile. Continuant leurs recherches sous une pluie battante, le père et le fils aperçoivent soudain un homme à califourchon sur la bicyclette.

"Au voleur ! ", crient-ils, en se mettant à courir vers lui. Mais, en un instant, l'individu et le vieux avec qui il parlait prennent la fuite. Bruno et Ricci repartent donc "battre la campagne" à nouveau. Ils finissent par découvrir le vieil homme dans un asile. Le saisissant par le bras, Ricci menace de le dénoncer s'il ne lui indique pas l'adresse du voleur. Celui-ci habite un quartier misérable ; il est malade et vit dans des conditions lamentables. La bicyclette reste introuvable, car les complices du coupable le protègent et menacent Ricci, qui ne parvient à leur échapper que grâce à l'intervention d'un gendarme. Tout semble donc fini pour lui. Désespéré, il s'en va au hasard par les rues de la ville, sans savoir où se diriger. Il n'est plus qu'un homme seul, au milieu d'une foule indifférente et pressée. Bruno et son père marchent en silence, les mains dans les poches, tantôt côte à côte, tantôt l'un derrière l'autre.

Une obsession poursuit Ricci : sans bicyclette, c'est la misère ; on lui a volé la sienne ; eh bien ! il en volera une à son tour. Ne dit-on pas : "Œil pour œil, dent pour dent" ?

Au détour d'une rue, ils se trouvent devant un stade. En rangs serrés, les supporters arrivent en pédalant. Bientôt Ricci, pris dans une houle de bicyclettes flambant neuf, jette un regard circulaire : le découragement lui étreint le cœur. Il va de-ci, de-là, suivi de Bruno qui trottine en silence. Il lui faut une bicyclette, une seule !... Soudain, il en aperçoit une tout contre un portail : il lui suffirait d'un geste rapide pour s'en emparer. Mais il ne veut pas que Bruno le voie ; il lui donne donc un peu d'argent pour prendre l'autobus et rentrer à la maison.

Demeuré seul, Ricci s'approche du véhicule convoité. La foule sort à ce moment-là du stade, la partie vient de se terminer. Antonio saisit le guidon, saute en selle, se prépare à rouler. Mais hélas ! dix, vingt personnes le poursuivent, l'arrachent de la selle, le frappent. Quelqu'un propose de l'emmener au commissariat de police ; seul le propriétaire de la bicyclette le laisse aller, prétextant généreusement qu'il "ne veut pas créer d'ennui..."

Tout le monde se disperse peu à peu : Ricci reste seul, humilié, vaincu. Dans sa misère, il lui restait encore la dignité, le respect de soi-même ; maintenant il a tout perdu. A cet instant, Bruno arrive. Il a raté l'autobus, et de loin a assisté à toute la scène. L'enfant s'approche sans un mot, les yeux remplis de grosses larmes. Il prend la main de son père, la serre très fort, comme pour lui faire une confidence. Éloquente, réconfortante poignée de main ! Ils rentrent ainsi, tout près l'un de l'autre, ayant néanmoins retrouvé la richesse de leur affection mutuelle.


Composition dramatique



Prenant comme point de départ un épisode très fréquent dans les années qui suivirent la guerre — le simple vol d'une bicyclette —, Vittorio de Sica décrit le drame d'un homme du peuple.

Tout est malheur et tragédie dans l'existence de Ricci, depuis le moment où il perd sa bicyclette jusqu'à celui où, humilié, meurtri par la vie, il reste seul, avili. Mais la conclusion laisse entrevoir une petite lueur d'espérance : rien n'est perdu puisque, malgré la condamnation de la société, il reste à l'homme son enfant.

Pour le metteur en scène, Ricci représente un être simple, honnête, qui aime la vie et a conscience de sa dignité, un individu qui ne demande qu'à travailler pour vivre et qui se voit frustré de cette possibilité par la cruauté même de l'existence. Dans le film, la bicyclette est le symbole d'une espérance perdue par la faute d'une société indifférente, injuste, qui écrase l'homme et son fils.

Dans le besoin, le chômeur doit lutter seul contre tous. La police ne l'aide guère, ses amis ne tardent pas à l'abandonner ; tous restent indifférents à son malheur, captifs de leur égoïsme.

Le manque total de solidarité entre les individus constitue une dimension dramatique très bien exposée dans ce film. En effet, la souffrance de Ricci se heurte à l'inconscience d'autrui. Il y a là une image poignante de la solitude de l'homme au milieu des siens. Ainsi, un être loyal en arrive-t-il à voler.

En nous contant cette histoire, Vittorio de Sica souligne que l'homme a besoin de la solidarité humaine et que la société pourrait s'améliorer si ses membres étaient prêts à s'aider les uns les autres.


Le sens du film




Vittorio de Sica
Dans le Voleur de bicyclette, les choses parlent d'elles-mêmes : l'histoire dérive d'un épisode presque banal, mais les personnages et le monde dans lequel ils vivent sortent de la réalité pour se transformer en langage et en art.

Afin de représenter le drame d'un homme digne de ce nom, Vittorio de Sica a délibérément utilisé des éléments simples et réels. Il a mis devant la caméra un ouvrier, pour qu'il joue le rôle d'un ouvrier, Antonio Ricci.

De même qu'il refuse les scénarios habituels, le néo-réalisme italien refuse les acteurs du genre « vedettes ».

Dans le Voleur de bicyclette, il n'y a pas de "professionnels" qui jouent chacun leur rôle, mais des hommes qui continuent à vivre "comme tous les jours" devant la caméra.

Vittorio de Sica n'embellit pas la réalité ; il en propose l'image la plus vraie, la plus naturelle, en dévoilant l'aspect parfois désolant qu'elle offre. Dans le personnage de Ricci, il manifeste sa compréhension pour l'homme, son amour, sa confiance ; d'autre part, il exprime son espoir en une société meilleure.

Son film est donc à la fois un monument dédié à l'être découragé et amoindri par la vie, et une invitation à construire, sur des bases plus humaines, un monde nouveau dans lequel les "Antonio Ricci" puissent espérer en un avenir plus heureux.
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LES PERSONNAGE 

  • Lamberto Maggiorani : Antonio Ricci
  • Enzo Staiola : Bruno Ricci
  • Lianella Carell : Maria Ricci
  • Gino Saltamerenda : Baiocco
  • Vittorio Antonucci : le voleur
  • Giulio Chiari : le vieux mendiant
  • Elena Altieri : la dame de charité
  • Carlo Jachino : un mendiant
  • Michele Sakara : la secrétaire de l’organisation charitable
  • Sergio Leone : un séminariste
  • et de nombreux acteurs amateurs

Fiche technique

  • Titre original : Ladri di biciclette (littéralement : Voleurs de bicyclettes, avec deux pluriels)
  • Réalisation : Vittorio De Sica
  • Scénario : Cesare Zavattini, Vittorio De Sica, Oreste Biancoli, Suso Cecchi D'Amico, Adollo Franchi, Gherardo Gherardi et Gerardo Guerrieri d'après un roman de Luigi Bartolini
  • Production : Giuseppe Amato et Vittorio De Sica pour PDS (société de production de Sica)
  • Décors : Antonio Traverso
  • Photographie : Carlo Montuori
  • Montage : Eraldo Da Roma
  • Musique : Alessandro Cicognini
  • Genre : drame social
  • Format : Noir et blanc - 1,37:1
  • Durée : 85 minutes
  • Sortie : 1948

Récompenses


aboukinana abdelkader : TEL : 212-633-13-43-33 E-mail : manager-aboukinana@live.fr

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